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Emmanuelle, film érotique culte du cinéma français (1974)

Emmanuelle, film érotique culte du cinéma français (1974)

15 janvier 2018 15:46 - Lu 35479 fois

Emmanuelle est probablement le film érotique français le plus connu au monde, et également l'un des plus gros succès du cinéma français ! Le film est sorti le 26 juin 1974 en France, distribué par Parafrance Films, à une époque où le genre "érotique" se cherchait encore. On était en pleine période de libération des mœurs, entre autre après les manifestations de mai 1968, mais l'érotisme n'avait pas vraiment encore marqué le monde audio-visuel, et la sexualité restait un sujet privé et intime. La France était encore dans une moralité stricte des plus étouffantes. C'est dans ce contexte que Yves Rousset-Rouard, jeune producteur débutant (et futur producteur des Bronzés ou du Père Noël est une ordure) acquière les droits d'un roman autobiographique à succès d'Emmanuelle Arsan, "Emmanuelle", afin de surfer notamment sur le succès d'un Dernier Tango à Paris avec Marlon Brando, qui avait lancé un premier pavé sulfureux dans la mare. Il va alors proposer à un jeune photographe de charme, Just Jaeckin, totalement sans expérience dans le monde du cinéma, d'en faire l'adaptation.


Synopsis

Emmanuelle est une jeune femme aisée qui vit de manière très libérée avec son mari Jean, un diplomate en poste à Bangkok. Alors qu'elle prend l'avion pour le rejoindre, et parce qu'elle s'ennuie, elle va profiter du vol pour prendre un peu de bon temps avec deux autres passagers. Arrivée à Bangkok, elle va se lier à diverses autres françaises, telles Ariane, professeur de squash, ou la jeune et désinhibée Marie-Ange. Son regard et son intérêt vont aussi se porter sur Bee, une archéologue plus indépendante. Emmanuelle va alors profiter de son temps libre et du fait que son mari souhaite qu'elle s'abandonne de plus en plus au plaisir pour s'initier aux jeux de l'amour, notamment avec Bee dont elle s'éprend. Emmanuelle va également faire la connaissance de Mario, professeur d'érotisme réputé en Thaïlande. Jean ne va pas hésiter à la pousser dans les bras de ce sexagénaire afin de lui faire découvrir de nouveaux et multiples plaisirs...


Emmanuelle
Emmanuelle
Ariane et Emmanuelle
Ariane et Emmanuelle
Marie-Ange
avec Marie-Ange
Mario et Emmanuelle
Mario et Emmanuelle


Sylvia Kristel, l'incarnation d'Emmanuelle !

Le rôle principal va être confié à une inconnue néerlandaise : Sylvia Kristel. La jeune femme de 22 ans alors, et qui souhaite à tout prix devenir une star, était mannequin à la base et n'avait jusque là que participé à des petits rôles dans des films néerlandais. Mais Emmanuelle va lui apporter cette notoriété internationale qu'elle recherche... tout en la cantonnant aussi à ce genre de rôle. Elle aura bien quelques autres prestations plus ou moins marquantes dans d'autres films non érotiques, sous la direction de réalisateurs célèbres tels Mocky, Chabrol ou Vadim, et jouera même aux côtés d'acteurs tels Depardieu, Piccoli ou Delon par exemple, mais le rôle d'Emmanuelle lui colle à la peau, rôle qu'elle reprendra 3 fois entre 1975 et 1984, et à nouveau en 1993. Elle jouera d'ailleurs en 1981 le rôle titre dans un autre film érotique à succès, réalisé aussi par Just Jaeckin : L'Amant de Lady Chatterley.

Sa carrière restera toutefois assez confidentielle, le monde ne retenant d'elle que le titre qui l'a rendu célèbre. Ayant connu quelques succès, mais surtout de gros déboires dans sa vie privée (relation tumultueuse, drogue, alcool) et artistique (entre autre sur la gestion de ses droits où elle ne touchera pas grand chose, spoliée notamment par son 2nd mari), Sylvia Kristel décédera en octobre 2012 des suites d'un cancer du poumon.

Sylvia Kristel


Autour du film

A l'affiche d'Emmanuelle, on retrouvait aussi Alain Cuny, acteur de théâtre et cinéma, sollicité pour apporter une "caution intellectuelle" et qui avait connu son heure de gloire avec Les Visiteurs du soir de Marcel Carné, ou encore La Dolce Vita de Felini, mais qui pour ce titre érotique, souhaita que son nom ne soit pas au générique. Le succès du film lui fit changer d'avis... Autre nom connu, Pierre Bachelet, à qui l'on doit la bande originale du film et la chanson principale "Mélodie d'amour chante le cœur d'Emmanuelle...". Mais l'une de ses musiques s'avéra être un plagiat d'un titre du groupe britannique King Crimson. Le guitariste du groupe poursuivit les producteurs d'Emmanuelle en justice et obtiendra gain de cause.

Enfin il faut savoir que le tournage ne se passa pas forcément bien : Yves Rousset-Rouard et Just Jaeckin étaient en désaccord sur la réalisation et le degré d'érotisme du film, au point que le producteur failli débarquer son réalisateur du projet. Le film soufra également de son aspect sulfureux lors du tournage en Thaïlande. L'équipe fut par exemple arrêtée par la police lors d'une scène dénudée tournée en plein air (celle de la chute d'eau), sans autorisation locale. Seule l'intervention de personnes haut placées, notamment le Prince thaïlandais de l'époque, permit au film de se poursuivre. Cela ne se passa pas bien non plus avec Alain Cuny, désintéressé et insupportable envers l'équipe, qui voulut même saborder le film en le quittant. Huit semaines de tournage qui au final furent assez chaotiques...

Emmanuelle eut par contre la chance d'échapper presque totalement à la censure, malgré son histoire propice à diverses coupes. En effet, l'année de sa sortie, la mort de Georges Pompidou provoqua évidemment un remaniement de l'exécutif au pouvoir. Michel Guy, nouveau secrétaire d'État à la Culture (prenant la place de Maurice Druon), était bien plus ouvert à tous les genres quels qu'ils soient, et ne comptait absolument pas faire interdire des films "pour adultes". Emmanuelle du cependant être remonté, après un premier avis défavorable de la commission de censure, afin de le rendre un peu plus acceptable. et quelques scènes ont été coupées (à peine plus d'une minute), mais au final le film s'en sortira bien. Sous le gouvernement de Pompidou, il aurait purement et simplement été interdit. Emmanuelle, comme de nombreux autres films érotiques à venir, fut juste interdit aux moins de 18 ans (la nouvelle majorité civile passait en effet de 21 à 18 ans le 5 juillet 1974). Le film suscita tout de même diverses polémiques (tout comme Les Valseuses, de Bertrand Blier, sorti quelques semaines avant), dans le sillage des premières productions réellement pornographiques à arriver dans l'hexagone, si bien qu'en 1975, le "classement X" fut inventé, classifiant ainsi les films à caractère sexuel, et les reléguant dans des salles spécialisées, attirant de ce fait moins de monde. Emmanuelle, échappant à cette classification, devenait le symbole d'un cinéma érotique acceptable.


Emmanuelle - Bande annonce française


Un succès mondial !

Le film sera très rapidement un triomphe, malgré les critiques négatives de la plupart des journaux de l'époque. 40 ans plus tard, Emmanuelle reste une icône du cinéma érotique, et le film original a été vu, sur grand écran, par plus de 50 millions de personnes à travers le monde, dont près de 9 millions rien qu'en France ! Une salle de cinéma, sur les Champs Elysées, le programmera même pendant près de 12 ans, jusqu'en 1985 ! Le succès sera aussi énorme dans divers autres pays, comme l'Espagne, l'Allemagne, le Brésil et même jusqu'au Japon. Aux Etats-Unis, en 1978, Emmanuelle sortira d'abord en version classé X puis en version censurée... et sera le plus gros succès d'un film francophone sur le sol américain cette année là.

Enfin, que serait Emmanuelle sans le célèbre fauteuil en rotin ? L'objet est devenu aussi culte que le film lui-même, au point qu'il fut commercialisé sous le nom de "fauteuil Emmanuelle", et aujourd'hui encore, la référence est très répandue. Ces fauteuils asiatiques étaient initialement baptisés "fauteuils Pomare", du nom d'un roi tahitien, et étaient déjà apparus dans quelques autres films par le passé, mais la célèbre affiche d'Emmanuelle allait vraiment en faire un objet à part.

Emmanuelle


Les nombreuses suites d'Emmanuelle

Le roman initial d'Emmanuelle Arsan avait en fait déjà été adapté une première fois en Italie, en 1969 (Io, Emmanuelle), mais l'immense succès du film de Just Jaeckin va ouvrir un boulevard pour de nombreuses suites. Ce sera d'abord 6 films entre 1974 et 1988, dont seuls les 4 premiers seront avec Sylvia Kristel. Le 5ème verra l'actrice américaine Monique Gabrielle tenir le rôle principal, et pour le 6ème, ce sera une autrichienne, Natalie Uher. Puis en 1993, ce sera pas moins de 7 téléfilms qui seront produits, à nouveau avec Sylvia Kristel, et un 7ème film également. Ce sera ses dernières participations à la saga, mais la licence va continuer d'être exploitée : 5 téléfilms ou films "direct to video" seront produits aux Etats-Unis entre 1994 et 2003. Et puis il y a la saga des "Black Em(m)anuelle", qui n'a que peu de rapport avec l'œuvre originale. En 1975, un producteur italien, Mario Mariani, veut en effet exploiter le filon en sortant de son côté Black Emmanuelle. Mais la production française refusera cette exploitation, aussi pour contourner le problème, Mariani retirera juste un "m" au nom de l'héroïne. Une 12aine de films seront ainsi produits entre 1975 et 1983, avec pour le rôle principal l'actrice indonésienne Laura Gemser. D'autres films encore surferont sur la vague, sans aucun rapport avec l'œuvre originale, utilisant juste le nom d'Emmanuelle dans le titre pour attirer le public.


Emmanuelle 2
Emmanuelle 3
Emmanuelle 4


Et aujourd'hui...

Emmanuelle restera à jamais le symbole du cinéma érotique des années 70-80. Le film de Just Jaeckin fera éclater définitivement ce puritanisme dépassé et rétrograde qui commençait à se fissurer depuis mai 68. Emmanuelle sera la pierre angulaire du cinéma érotique pour les 10 ans à venir. Le film survivra au genre lui-même, car le cinéma érotique perdra de son intérêt au milieu des années 80 pour finir par disparaître. Les baisses successives du prix des VHS, des productions plus calibrées pour la télé, ou encore le X qui devenait de plus en plus répandu via justement le marché de la vidéo qui allait exploser (ou même à la télé avec Canal+ et son fameux journal du hard et son film mensuel) feront que les films érotiques au cinéma auront de moins en moins de spectateurs. Emmanuelle 4 (1984) et 9 semaines 1/2 (1985) seront les derniers titres à avoir encore un succès en salle. L'érotisme avait décomplexé la France, et en 10 ans, le X allait le remplacer avec des nouvelles icônes, telle Brigitte Lahaie sur le sol français.

Emmanuelle gardera tout de même une aura intemporelle, aidé par de multiples diffusions à la télévision, en seconde partie de soirée. Alors certes le film a vécu, et accuse un peu son âge. La beauté des images ne fait pas oublier un jeu d'acteurs très minimaliste et un scénario tout de même très léger aussi, parfois même niais, on peut le dire. Mais la nudité très présente et les scènes érotiques très osées ont tout de même une certaine qualité qui plaît encore aujourd'hui. Un film à redécouvrir pour tout amateur du genre, surtout en le remettant dans le contexte de l'époque.



Sources :
Le film en lui même
Le reportage : Un jour, un destin - Emmanuelle, les dessous d'un scandale
https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuelle_film


Commentaires

Aberama - 15 septembre 2023 22:29
C est l ouverture lifestyle et le bie etre.et l initiation à l erotisme.un début reussi du sex appeal.la saga restera une oeuvre d art et le fauteuil une libido sans fin et sans faille


Nath-Didile - 09 septembre 2022 11:15
Effectivement étonnant qu'il ait échappé à la censure à l'époque, merci le changement politique. CUL-tissime ce film mais jamais vu pour ma part, juste en extrait, faudra quand même un jour que je remédie à ça ! Très sympa ton sujet Joe, bravo.





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