Idéal Loisirs, c'est avant tout l'histoire d'un homme, Bernard Farkas. Né en 1946 [1], diplômé de l'ISG, Bernard Farkas fait ses premières armes dans l'édition chez Nathan (rayon enfants) avant d'être l'un des 4 fondateurs des Humanoïdes Associés en décembre 1974, avec Jean-Pierre Dionnet, Jean Giraud alias "Moebius" et Philippe Druillet. Ce sera le début de l'aventure Metal Hurlant, fameuse revue qui marquera bien des lecteurs, passionnés de SF et fantastique. Une aventure de 2 années environ pour notre homme, avant de quitter l'équipe et voguer vers d'autres projets.
En septembre 1979, Bernard Farkas parvient à convaincre et signer un accord avec l'américain Ideal Toys pour distribuer, mondialement, un petit jouet casse-tête qui commençait à être connu : le Rubik’s Cube ! C'est là que va naitre Idéal Loisirs, en tant que filiale française du géant américain, l'une des premières sociétés mondiales de jeux et jouets, créateur notamment du fameux ourson "Teddy Bear". Farkas va alors faire fortune avec ce seul jouet : plus de 100 millions de cubes seront vendus entre 1980 et 1982, à titre d'exemple ! D'autres produits sont évidemment vendus en France, notamment sous marque Ideal (avec un logo simple où la marque s'inscrit dans un ovale).
En 1982, Ideal Toys est racheté par le géant de la télévision CBS, via CBS Toys. La filliale française va alors distribuer nombre de produits CBS, comme des circuits TCR ou la fameuse console ColecoVision. Pour la petite histoire, Ideal Toys est revendu en 1984 à View-Master, qui devient alors View-Master Ideal, et le tout sera racheté en 1989 par Tyco, avant de finir en 1997 chez Mattel.
En 1985, à la tête d'une petite fortune, Bernard Farkas rachète Idéal Loisirs à sa maison mère et en devient donc le seul PDG/Propriétaire. A cette époque, la société fait plus de 80 millions de francs de chiffre d'affaires (grosso modo 20M d'euros aujourd'hui). Idéal Loisirs va continuer de grossir avec d'autres rachats de sociétés, principalement françaises ou anglaises. Entre 1986 et 1989, ce sera Educalux, Pipo, Création Perier, Buckingham Toys ou encore Spearhead par exemple. Des jouets continuent d'être distribués sous ces marques là. La marque IDEAL quand à elle évolue sous une forme "française", on va dire, dès 1985/86 (et avec un logo qui va perdre le ovale initial assez rapidement).
Parallèlement, des filiales sont créées : Loisirs Sélection en 1988 (importation directe de produits fabriqués en Asie), 3 filiales industrielles à Hong-Kong et en Thaïlande (en 1989) et 3 filiales européennes en 91 et 92 : Espagne, Allemagne et Benelux.
A l'époque, la stratégie de Bernard Farkas est assez simple :
proposer une gamme de produits la plus variée possible, en surfant sur les phénomènes de mode, avec 200 nouveautés chaque année, et des débouchés mondiaux pour amortir les coûteux investissements en communication (10% du CA).
Le groupe est à cette époque une véritable success-story, réalisant plusieurs centaines de millions de francs de chiffre d'affaires annuellement.
Ci-dessous quelques publicités IDEAL :
En 1992/93, Idéal Loisirs fait beaucoup parler de lui puisque le groupe va racheter l'un des fleurons français : Majorette (ce sera effectif en avril 93). Avec ce rachat, le groupe de Bernard Farkas approche les 1,2 milliard de francs de chiffre d'affaires consolidé et entre dans le top 10 mondial du jouet, ce qui n'est pas rien ! En 1996, les affaires vont cependant beaucoup moins bien, ce rachat de Majorette étant bien plus dur à avaler que prévu, doublé d'une petite crise dans le secteur du jouet en ce milieu de décennie. Avec de grosses difficultés de trésorerie, le groupe numéro 1 français du jouet passe alors dans le giron de l'allemand Triumph-Adler. Ce ne sera pas sans mal d'ailleurs, car à l'époque, Idéal Loisirs fait partie d'un holding, Carré blanc, dont 37.5% sont détenus par le groupe chinois Playmates (fabricant de toute la gamme Tortues Ninja), le reste appartenant à Bernard Farkas. Playmates préférait en effet se recentrer sur l'immobilier, mais le rachat se fera tout de même, ce qui ne sera pas sans d'importantes restructurations (Idéal Loisirs employait notamment 1200 personnes en 1996... sans doute beaucoup moins après le rachat).
Le groupe allemand va cependant faire de gros efforts pour relancer la distribution de ses jouets en France, ainsi bien les marques Ideal que Majorette, mais aussi ses propres marques (véhicules radiocommandés Tronico et les poupées Zapf par exemple). Côté Majorette, un gros lifting sera effectué, et si les choses s'améliorent un temps, la marque sera liquidée en 2000, le succès n'étant pas au rendez-vous. Majorette renaitra en 2003 via Smoby, mais cela est une autre histoire...
Côté Idéal Loisirs, le catalogue sera purement et simplement divisée par 2, afin de moins s'éparpiller sur trop de licences et se recentrer sur un territoire plus restreint. On trouve encore des jouets sous marque Ideal, et sous quelques autres marques restées sous le contrôle du groupe, mais la présence est nettement réduite. En 1999, Idéal Loisirs semblait quand même revenir à l'équilibre et poursuivre son activité. Enfin pour une poignée d'années tout au plus. La société s'est faite beaucoup plus discrète au point qu'on en perd complètement la trace à partir de l'an 2000, et il semblerait au final qu'elle a déposé le bilan, dans l'anonymat le plus complet, ou bien a été totalement absorbée par un autre groupe.
Si des personnes ont d'ailleurs des informations sur ce qu'est devenu Idéal Loisirs, à partir de l'an 2000, ce sera avec plaisir que je pourrais compléter ou corriger cet article.
Concernant la marque Ideal, au début des années 2000, elle passe sous le giron du distributeur anglais Toy Brokers (qui distribuait déjà des jouets, notamment pour le milieu éducatif). On trouve en effet de nouveaux jouets estampillés Ideal dans les rayons ou catalogues de l'éditeur. Par la suite, tout cela a été racheté par John Adams Leisure Ltd, qui a poursuivi sur la même voie, et apparemment on trouve toujours des jouets sous marque Ideal de nos jours (comme des Rubik's Junior Puzzles - 2017).
Idéal Loisirs aura donc surtout marqué les années 80 et première moitié des années 90, en distribuant ou éditant des centaines de jouets dont certains auront tout de même bien marqué notre jeunesse, avant de disparaître petit à petit de la circulation. Un destin un peu triste tout de même pour ce géant français du jouet. Il subsiste tout de même la marque Ideal, même si celle-ci n'est plus française depuis un moment, mais c'est au moins ça...
[1] Année de naissance incertaine
https://www.flickr.com/photos/nhtpirate/albums (pour les scans de catalogue)
http://fr.1001mags.com
http://www.lesechos.fr
https://www.legifrance.gouv.fr
http://bdzoom.com
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rubik's_Cube
http://www.liberation.fr
http://www.lsa-conso.fr